255 bougies !

6 septembre 1757, 20 mai 1834.

BON ANNIVERSAIRE, MONSIEUR de LA FAYETTE !

Le 1728, le Fonds de Dotation HÔTEL MAZIN-LA FAYETTE au 8, de la rue d’Anjou, soufflent les 255 Bougies de la naissance de Marie Paul Joseph Gilbert MOTIER, Marquis de LA FAYETTE, général des armées des insurgents, citoyen d’honneur des Etats-Unis d’Amérique, général en chef de la Garde Nationale Française, premier grenadier de la Garde Nationale de Varsovie, Héros des Deux Mondes, pour citer quelques uns des titres et distinctions conférés de son vivant.

Son nom restera indissociable des révolutions qui contribuèrent à notre Géographie Politique contemporaine en France, aux Etats-Unis d’Amérique, en Amérique du Sud avec Simon Bolivar et en Pologne avec Tadeusz KOSCIUSKO.

Les sept dernières années de sa vie passée au 8, rue d’Anjou furent riches en événements et honneurs (cf. interview ci-après de J.-F. CHUET, Président du Fonds de Dotation HÔTEL MAZIN-LA FAYETTE et Fondateur du 1728.

 

Interview de Jean-François CHUET, Président du Fonds de Dotation HÔTEL MAZIN LA FAYETTE – 2 Juillet 2012 en préparation de l’émission SECRETS D’HISTOIRE, consacrée à LA FAYETTE et qui sera diffusée sur France 2 courant Novembre.

INTRODUCTION

Nous sommes au printemps 1827.

LA FAYETTE est dans sa 69ème année.

Fraîchement réélu Député de la Sarthe, il réside sur ses terres et dans son château de LA GRANGE, en Seine-et-Marne, dont il a hérité 20 ans plus tôt, suite au décès de son épouse aimée Adrienne de NOAILLES.

Il choisit d’installer sa maison de Ville au cœur du Faubourg St Honoré, au 6 / 8 de la Rue d’Anjou, au 1er étage de ce grand Hôtel transformé en Maison de rapport par la famille de banquiers Marquet de Montbreton qui réside encore sur place.

POURQUOI L’HÔTEL D’ANJOU ?

• Il est proche de la CHAMBRE des DÉPUTÉS, or il a conservé de ses racines terriennes et Auvergnates le plaisir de marcher.

• Il est au cœur du Faubourg St Honoré dans un quartier d’Ambassades, de pouvoir et d’argent.

Il peut respirer son temps, mieux qu’à LA GRANGE et décrypter les signaux qui vont conduire à une nouvelle Révolution, celle de 1830 avec la chute de CHARLES X, frère de LOUIS XVI, revanchard absolutiste, ultra-royaliste qui s’entête à museler la Presse, dissoudre les Parlements qui votent mal, et restreindre les libertés individuelles.

1• L’Hôtel d’ANJOU est encore dans ses moyens (il est locataire) et offre de belles pièces de réception commandée, nous dirions aujourd’hui en enfilade.

• Enfin ce lieu respire la Fraternité qui lui est chère car le Bâtisseur de cet Hôtel n’est autre qu’Antoine MAZIN, architecte militaire de Louis XV, très actif dans le Faubourg St Honoré et l’un des Fondateurs des premières loges parisiennes en 1726.

QUI EST LE LA FAYETTE DE LA RUE D’ANJOU EN 1827 ?

• Un Extraterrestre, pour beaucoup de ses contemporains !

Né sous LOUIS XV, il a participé comme acteur de premier plan à deux révolutions, l’Américaine et la Française; mais aussi comme bailleur de fonds de la Révolution Polonaise avortée contre le TZAR de toutes les Russies et les Prussiens avec son frère d’armes Tadeusz KÔSCIUSKO.

Plus tardivement, il soutiendra les deux révolutions de Simon BOLIVAR, autre Franc- maçon devant le Grand Architecte de l’Univers qui chassera les Espagnols de l’actuelle Colombie, Venezuela, Équateur et Pérou !

• C’est un homme encore sous l’émotion du vibrant hommage rendu par l’Amérique 2 ans plus tôt lors de son voyage triomphal.

80.000 américains l’attendent à New York en 1824 alors que la ville ne compte que 120.000 habitants !

Il sera reçu par trois des Pères Fondateurs encore vivants : JEFFERSON, MADISSON et MONROE.

Le Président en exercice Quincy ADAMS lui présente les vœux de la Nation.

Partout il est reçu, fêté, un comté porte son nom, mais aussi une montagne, pas moins de 40 agglomérations et de multiples loges…

• C’est un homme étroitement surveillé par la police Politique et la gendarmerie de CHARLES X.

On empêchera la foule venue le fêter à son retour de son voyage triomphal au Havre de l’approcher.

On surveille ses allées et venues et les R.G. de l’époque campent devant l’Hôtel D’ANJOU !

• C’est un Prosélyte actif de la Fraternité. Il a été élevé en 1825 dans le plus Haut grade du RITE ÉCOSSAIS ANCIEN et ACCEPTÉ, le 33ème degré !

 

C’est la Franc-maçonnerie qui est à l’origine de son engagement philosophique puis personnel pour la cause des insurgents.

La loge LA CANDEUR sera son lieu de rencontre avec SILEAS DEAN, commissaire Américain de la cause des insurgents à Paris.

La loge des NEUF SŒURS scellera son amitié avec un vieux jeune homme de 80 ans, Benjamin FRANKLIN, qui l’introduira par une lettre célèbre dans la fameuse loge militaire UNION AMÉRICAINE où il rencontre George WASHINGTON à PHILADELPHIE.

C’est aussi Benjamin FRANKLIN qui l’introduira auprès de Thomas JEFFERSON à l’AMERICAN PHILOSOPHICAL SOCIETY, cercle pensant de la Déclaration d’Indépendance puis de la Constitution des États du NORD.

Plus tard, JEFFERSON tiendra la plume de LA FAYETTE pour l’écriture de la 1ère Déclaration des Droits de l’Homme.

C’est aussi cet engagement fraternel qui sauvera l’HÔTEL d’ANJOU, le baron HAUSSMAN se refusant de détruire l’Hôtel où il rencontra à 18 ans son modèle en fraternité.

• C’est un homme qui n’est plus riche bien que conservant une certaine aisance, il avait hérité à 13 ans de son grand-père maternel le Marquis de LA RIVIERE et disposait alors d’un revenu annuel que nous pourrions compter en unité de millions d’Euros d’aujourd’hui !

Comme l’écrit si bien sa grande amie, Madame de STAËL : « il a sacrifié toute sa fortune à ses opinions avec la plus généreuse indifférence ».

L’avitaillement, l’armement de troupes en Amérique du Nord, en Pologne, puis en Amérique du Sud coûtent très cher !

Mais il y aura aussi les projets utopiques comme le commerce équitable de caoutchouc en Guyane en faveur des tribus locales et bien d’autres folies qui ne sont que passion naturaliste dans sa vision du monde « Rousseauiste » dont il annotait chaque livre à leur parution.

COMMENT VIVAIT LA FAYETTE RUE D’ANJOU ?

• Il vit donc simplement pour les critères de l’époque et en regard de sa notoriété immense, avec seulement trois serviteurs qui ne portent pas de livrée, son valet de chambre BASTIEN, son cocher, son cuisinier, ainsi que son jeune secrétaire BERGER.

• Rue d’ANJOU, LA FAYETTE vit beaucoup dans sa chambre au mobilier de style empire qu’il n’affectionne que moyennement (c’est encore lui qui a fait voter la destitution de Napoléon).

 

Au mur, le portrait de son ami Tadeusz KÔSCIUSKO, une copie de la Déclaration d’Indépendance des 13 états, la Constitution du Nord, la Déclaration Française des Droits de l’Homme et le Serment du Jeu de Paume de David.

Sur une table, face à son bureau, le buste de son père spirituel George WASHINGTON par HOUDON.

• Il soupe tous les soirs dans sa chambre-bureau, debout, car il a conservé ses habitudes militaires. Invariablement, c’est du poulet rôti et des dattes qu’il affectionne.

Son petit carlin blanc lui tient compagnie ainsi que des amis de passage qui le regardent souper en devisant de la politique et des rumeurs du Château (des Tuileries).

• Chaque mardi, le TOUT-MONDE de l’époque visite LA FAYETTE. Les Portes des Pièces commandées s’ouvrent (comme celles du 1728).

Des hommes politiques, de nombreux amis, des auteurs et artistes en vogue, des éditeurs… se pressent dans les salons où l’on voit beaucoup de belles femmes… le point faible de LA FAYETTE, mais l’âge des regards et des attentions a succédé aux fougueuses conquêtes.

STENDHAL, grand ami de LA FAYETTE rencontrera dans ses salons la belle Giulia RINIERI, nièce de l’ambassadeur de Toscane qui réside Rue d’ANJOU et qui sera sa maîtresse aimée pendant 10 ans !

• 1829 sera l’année de son buste officiel modelé Rue d’ANJOU.

Il a toujours eu peu de patience pour cette corvée, ce qui explique le faible nombre de portraits et bustes en circulation pour la dimension de l’homme en regard des usages du moment.

Il accepte car le sculpteur n’est autre que son ami DAVID D’ANGERS.

De plus, le buste est un cadeau des Jeunesses Républicaines Françaises au Président des États-Unis.

Le premier marbre ira donc au Capitole.

Le second fut vendu voici peu de temps par CHRISTIE’S à Paris pour 1, 3 M€ (La cote des objets personnels de LA FAYETTE est très élevée). Il est aujourd’hui dans une collection privée.

Le bronze N° 1 est dans les murs du 1728 et le N° 2 bientôt sur un piédestal dans la cour d’honneur du 8 ANJOU.

• Ses Amis américains ont portes ouvertes rue d’ANJOU et Fennimore COOPER, ambassadeur-écrivain est très souvent là pour parler politique.

 

QUE S’EST-IL PASSÉ FIN JUILLET 1830 AU 8 RUE D’ANJOU ?

• Il siège à la chambre et se fait remarquer par ses discours enflammés contre l’invasion de l’ALGÉRIE par les troupes de CHARLES X. Cette aventure coloniale le révulse car elle vise uniquement à brouiller les cartes de la situation intérieure très tendue.

La dissolution de la Chambre hostile à POLIGNAC, la censure de la Presse, l’interdiction de se rassembler décrétée par CHARLES X conduisent aux 3 glorieuses des 27-28- 29 Juillet 1830.

LA FAYETTE est nommé général en chef de la Garde Nationale et organise la réplique aux Tuileries contre les troupes étrangères mercenaires, derniers bastions défenseurs du roi honni.

On tire au canon contre le peuple de Paris mais la Garde Nationale l’emporte sur le terrain.

CHARLES X est défait et doit abdiquer. On presse LA FAYETTE de prendre la Première Présidence de la Première République Française, il tergiverse et poussé par ses amis américains redevenus anglophiles et monarchistes constitutionnels, il fait Roi LOUIS-PHILIPPE sur le balcon de l’Hôtel de Ville.

Erreur fatale, LOUIS-PHILIPPE, qui a bien compris le danger, fera tout pour rogner les pouvoirs de cet homme craint car non contrôlable.

La constitution de l’Hôtel de Ville dont LA FAYETTE a écrit les bases rue d’Anjou ne sera jamais appliquée.

C’était, il est vrai, la Constitution la plus utopique jamais rêvée ! Il lui restera ses discours brillants, enflammés et redoutés.

1830, c’est aussi la mort de son très grand ami Benjamin CONSTANT qu’il connut très tôt avec Madame de STAËL, dont il était très proche et déjà décédée.

1830, c’est aussi la mort de Simon BOLIVAR à CARACAS… La mort de tous ces êtres chers a beaucoup d’impact sur le moral de LA FAYETTE.

ÉPILOGUE…

Plus rien ne sera comme avant, son temps s’achève. Il décède à 4 heures du matin, le 20 Mai 1834, à 77 ans, entourés de ses derniers vrais amis et de sa famille.

Le dernier hommage à LA FAYETTE de la Rue d’Anjou au cimetière de PICPUS fut des obsèques officielles.

Les deux chambres, des corps de troupe, la Garde Nationale, le peuple de Paris le long du trajet… tout fut mis en œuvre pour cette dernière sortie du général qui s’achève aux portes du cimetière privé de PICPUS, car on l’enterre loin des regards (son souhait mais aussi une crainte…).

 

Derniers clins d’œil à l’Histoire, il repose en terre américaine ramenée en caisse par le BRANDYWINE lors de son retour de son voyage triomphal en 1824 / 1825.

Chaque année, les hommages militaires américains lui sont rendus par l’Ambassadeur des Etats-Unis en poste à Paris.

Il est le grand absent de toutes les cérémonies d’honneur françaises, bien qu’on lui doive la cocarde Bleu Blanc Rouge et la première déclaration des Droits de l’Homme !

Personnage atypique, controversé de son vivant mais toujours aujourd’hui où le clivage est toujours présent entre pro et anti LA FAYETTE, comme nous le constatons encore au quotidien dans l’Hôtel où il vécut Rue d’Anjou !

Ce grand théoricien du monde associatif est le père spirituel de la loi de 1901.

Son rêve aurait été de voir gouverner la France comme une loge avec son cérémonial (c’est lui qui a pensé la Fête de la Fédération), ses travaux et son architecture, chacun trouvant sa place naturelle à la hauteur de ses mérites.

Ce qui le sépare de Rousseau, c’est sa soif d’agir, sa conviction que l’utopie existe bien et que le « Contrat Social » va très au-delà de l’accord provisoire entre personnes mal intentionnées comme le pensait très intimement Rousseau.

LA FAYETTE, c’est l’ÉMILE qui toute sa vie cherchera à agir mais en faisant toujours le choix d’être l’homme qui préfère in fine être la « lumière » dans l’ombre plutôt que « l’ombre » dans la lumière pour reprendre cette belle phrase de Pascal Payen APPENZELLER, co- auteur et chef de file des DICO de PARIS dont le premier tome paraîtra en Septembre sur les Champs-Elysées.

Au petit matin de sa mort, Rue d’Anjou, beaucoup de ses amis concluaient déjà que l’on savait tout de lui sur ce qu’il a fait car l’homme a toujours été transparent, mais que l’on ne saura jamais ce qu’il pensait intimement

Toute sa vie est dans la lignée de ce monde qui voyage de 1760 à 1830, de Rousseau à Stendhal en passant par Fennimore Copper et bien d’autres.

Ce qu’il n’a pas écrit, c’est ce qu’il a réellement vécu ! Il n’y a pas chez LA FAYETTE d’autofiction.

© Fonds de Dotation HÔTEL MAZIN-LA FAYETTE – 1728

 

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